Qu'on ne s'y trompe pas : la référence aux valeurs est tout sauf une spécificité lensoise. Promenez-vous sur tous les forums des autres clubs de D1, et vous y lirez systématiquement des appels émus et parfois sincères en faveur d'une renaissance des valeurs. Marseillais, Lensois, Rennais, Nantais, Lillois, même combat : donnez-nous notre retour aux valeurs quotidien. La réalité est bien moins authentiquement vertueuse :

- D'un côté, vous retrouverez les supporters des clubs victorieux, qui donnent sans pudeur des leçons de « valeurs » aux autres. Dans le plus pur style « on a gagné parce qu'on a une équipe sans vedette et sans grands moyens, mais solidaire, humble, collective et qui mouille le maillot ». Et en parallèle, ce sont les mêmes qui se montraient inquiets en début de saison face à l'anonymat de leur effectif, ou qui se plaignent actuellement du manque d'ambition de leur club sur le marché des transferts, réclamant à cor et à cris des vedettes…

- De l'autre côté, vous retrouvez les supporters déçus par la saison de leur club, et qui considèrent que c'est l'absence de « valeurs » chez les joueurs qui a causé leur perte. Raisonner ainsi, c'est d'abord oublier un peu vite qu'une équipe peut perdre aussi parce qu'elle est moins talentueuse, moins forte, moins expérimentée, moins homogène, ou même moins chanceuse. Et puis on ne peut décemment pas hurler à la perte des valeurs tout en fustigeant en même temps un président qui ne sort pas son chéquier. Pourtant, beaucoup ne s'en privent pas.

Résumons donc les discours de supporters en fin de saison : quand on gagne, c'est grâce aux valeurs ; quand on perd, c'est à cause d'un non-respect des valeurs. En réalité, ce discours n'est rien d'autre qu'une manière élégante et discrète de donner des leçons, et d'attribuer des vertus morales à des victoires ou à des défaites sportives. Ce qu'on aime par dessus tout, c'est la victoire ; en tirer des vérités façon Walt Disney sur le bien et le mal, c'est du hooliganisme de salon, de l'invective feutrée, de la moralité hypocrite. Un vilain petit jeu auquel nous ne nous prêterons pas.

En revanche, creusons le sujet, et essayons de donner un contenu à ce que pourraient être les valeurs spécifiquement Lensoises, autrement dit pour ne pas tomber dans le piège, les qualités sang et or qu'on aimerait ne jamais voir transgressées. Nous en avons relevé trois, complémentaires et indissociables.

Quelle que soit la saison, quels que soient les joueurs et entraîneurs, on attend de l'équipe sang et or une force morale supérieure à la moyenne et une vraie confiance en ses moyens. On aimerait ainsi retrouver une équipe qui ne change pas de tactique selon les adversaires, qui ne présente pas le profil bas de celui qui craint la défaite à chaque match, qui se contente de bétonner à l'extérieur pour un profit ridicule. Le passé nous apprend que les meilleurs équipes lensoises sont celles qui ont su imposer leur jeu partout où elles ont joué, à Bollaert comme à l'extérieur.

Pour nous, il existe incontestablement une culture de l'offensive sang et or. On voudrait voir chaque saison un jeu qui pousse, presse, et lance les attaquants. A Lens plus qu'ailleurs, on aime la fête. Et la fête est d'autant plus belle qu'elle conclue un état d'esprit tourné vers l'avant. Sans aller jusqu'aux principes quasi-intégristes du Druide (encore que…) qui punissait les passes en retrait, on aimerait vraiment retrouver une équipe conquérante. Et ne plus jamais revoir comme cette saison ce manque d'initiative, cette peur d'aller de l'avant, cette incapacité à créer la rupture, ces latéraux scotchés à leur moitié de terrain, cette animation offensive confiée à un milieu défensif, ces grands ballons balancés à l'avant que même les plus traditionalistes équipes britanniques ont abandonnés…

Pour terminer, on attend de toute équipe lensoise une solidarité exemplaire entre les joueurs, un ciment sportif et personnel qui fait adhérer tout l'effectif autour d'objectifs communs. Là encore, l'histoire du club nous rappelle que les meilleures équipes lensoises ont toujours été celles qui ont su faire preuve de solidarité et d'abnégation sur le terrain. Il suffit de se rappeler comment en 98 les « vedettes » Ziani ou Smicer se "mettaient minables" pour offrir des solutions à leurs coéquipiers en difficulté. Avoir du talent, c'est bien ; savoir le mettre au service de la collectivité et du groupe, c'est largement mieux, bien que cela ne serve pas forcément les intérêts des joueurs et de leurs agents en cette période dominée par le foot-businness.