|
|
 Du grand Roger | | RETRO 1979 : ET UN, ET DEUX, HEDOIRE HEROS !
Par Elie Date 19/6/2001
Aujourd'hui, suite des cours d'histoire. Après l'Europe, place à la D2. Descendue tristement en 1978, Lens va-t-elle réussir à remonter parmi l'élite dès 1979 ?
Si vous étiez trop jeune pour avoir connu ce match, lisez bien ceci, vous allez comprendre beaucoup de choses des récents succès lensois. |
|
L'AVANT MATCH |
Nous sommes le 14 juin 1979. Alors que le championnat de France a déjà consacré les bleus Strasbourgeois de Gilbert Gress et Léonard Specht, la saison de D2 n'a toujours pas délivré son verdict dans la désignation des promus. Il faut dire qu'à l'époque, monter relève de l'exploit : la D2 est constituée de deux groupes, et seuls les deux premiers montent directement en D1. Hélas, Lens ne termine que deuxième de son groupe, derrière le solide Stade Brestois, et doit donc commencer son parcours du combattant : d'abord vaincre le second de l'autre groupe, puis le dix-huitième de la D1. Le tout en matchs aller-retour !
La saison de Lens en D2 a été quelque peu chaotique. Dirigée d'une main ferme par Roger Lemerre, l'équipe était déjà à un tournant de sa culture. L'effectif était en effet traversé par deux courants qui se sont régulièrement opposés dans la saison : dans un camp, les derniers grognards de la première grande époque lensoise (Flak, Sab, Marx, Joly) emmenés par un Daniel Leclercq déjà intransigeant sur les valeurs du maillot sang et or. Dans l'autre camp, la jeunesse montante et quelque peu dilettante… Bref, au terme d'une saison plutôt réussie mais frustrante, les supporters Lensois n'en mènent pas large avant d'entamer les barrages.
D'abord, se débarrasser du second du groupe A : Avignon. Et tout commence très mal : défaits sans combattre 2-0 chez les violets, le Racing confirme les pronostics pessimistes à son encontre. Au retour, les supporters comprennent que l'équipe a besoin d'un bon réveil ; alors Bollaert relève les manches et revêt sa tenue de chaudron. L'équipe se transcende, marque deux fois par Sab et Llorens et accroche les prolongations. Puis Marx « Cajou » marque un nouveau but et déclenche la folie Bollaertienne, hélas aussitôt douchée par une égalisation signée Nardelli. Heureusement, Marx frappe encore, et cette fois Lens ne sera plus rejoint. Ouf, et d'un barrage, un ! Place au suivant, encore plus délicat à négocier, puisqu'il s'agit d'un club de D1 pas comme les autres : le Paris Football Club.
Pas comme les autres en effet : le monde du football, les milieux économiques et le gratin du show-business s'étaient déjà mis dans l'idée qu'il y avait de la place pour deux clubs de foot dans la capitale. Autant dire que la menace d'une relégation du Paris FC, club créé de toutes pièces, était alors très mal vécue. Et que Lens allait devoir s'attaquer à une montagne.
Au match aller, au Parc des Princes, les sang et or tiennent le choc grâce à une abnégation de tous les instants. Et un score nul de 0-0 conclue de façon encourageante cette première manche. Le discours de Lemerre, relayé par Leclercq, sur l'abnégation et les vertus morales a cette fois payé. Rendez-vous à Bollaert pour le match retour. « Attention, rien n'est joué ! » avertit pourtant déjà le futur sélectionneur des Bleus…
|
|
LE MATCH |
14 juin 1979. Le stade Bollaert est plein, à tel point que le record d'affluence est battu ce soir : 33 896 fervents sont là, prêts à pousser et à faire la fête de la remontée. Mais l'ambiance est à l'image du match: crispée.
Crispée parce que les sang et or dominent stérilement face à une opposition qui joue plus que sa saison prochaine: son avenir. Crispée parce que les Lensois hésitent à se livrer et à s'exposer aux contres des rapides Bravo et Beltramini. Et crispée parce que tout Bollaert sent bien que la chance ne veut pas sourire à ses protégés ce soir; la preuve, ces deux barres que touche Robert Sab…
Plus le match avance, et plus la tension monte. Lens domine encore, mais c'est Hédoire, le jeune portier Lensois, qui doit sauver la mise à plusieurs reprises. Puis l'arbitre, Mr Konrath siffle la fin du temps réglementaire, et le début de la prolongation. Pas de but en or à l'époque, mais chacun sait que le premier à marquer sera en D1 en 1980…
Trente minutes de crispation totale, tant sur le terrain que dans les tribunes. Et au bout des prolongations, toujours pas de but. L'épreuve redoutée des tirs au but va pouvoir commencer, avec d'un côté le jeune Hédoire, et de l'autre l'expérimenté Bensoussan. Jouer une saison de D1 aux dés, telle est l'épreuve incroyable qui attend les joueurs. Incroyable et terrifiante.
Premier tir parisien: Guignedoux s'élance, mais Hédoire se détend et repousse. De son côté, Joachim Marx marque, comme d'habitude. 1-0 pour Lens. Bollaert frémit de plaisir.
Deuxième tir parisien: c'est au tour de Bravo… qui rate lui aussi face à Hédoire ! Et Michel Joly, le latéral sang et or, prend Bensoussan à contre-pieds. 2-0 pour Lens, et Bollaert gronde d'espoir et de gourmandise.
Troisième tir parisien. C'est Beltramini, l'avant centre, qui s'y colle. Et Hédoire, pour la troisième fois, réussit l'exploit et écœure le camp parisien. Pour Hervé Flak, le canonnier lensois, il suffit de marquer pour envoyer Lens retrouver son paradis. Ce qu'il fait sans trembler. 3-0 pour le Racing, qui retrouve donc l'élite grâce à trois miracles de son gardien Hédoire ! Bollaert peut enfin se lâcher, d'une joie sans retenue et pleine d'émotion. Comme les joueurs, pour la plupart en larmes sur le terrain.
|
|
EPILOGUE |
Cette rencontre si forte sur le plan de la tension et de l'émotion aura servi à quelque chose. Revenu en D1, le Racing Club de Lens allait y vivre neuf belles années, ponctuées d'une formidable 4e place en 1983 et d'une 5e en 1986. Cela valait donc vraiment la peine de se battre sur le terrain et de s'en remettre aux exploits de Francis Hédoire.
La petite histoire de ce match devait aussi nous apprendre beaucoup de choses sur la personnalité d'un des plus grands hommes du football français: Roger Lemerre. Les joueurs Lensois, euphoriques, rentrant dans le vestiaire après l'inévitable tour d'honneur ne trouveront pas leur entraîneur. Lemerre avait quitté discrètement Bollaert dès le tir au but victorieux de Flak, et était rentré chez lui tranquillement à pied en se mêlant incognito à la foule. "J'avais besoin d'être seul", expliqua-t-il le lendemain dans la presse, "les bains de foule ne sont pas mon fort".
Succès mais humilité était déjà l'un des principes préférés de Roger Lemerre. Et lorsque l'on se rappelle que Daniel Leclercq était alors son meilleur élève, on comprend un peu mieux certaines clés de la réussite sang et or de la fin des années 90. Ce match de barrage contre le Paris FC portait en réalité en germe le titre de 1998 ! Lemerre-Leclercq, ça doit pouvoir aussi se réincarner en Bergues-Muller-Wallemme, non ?
|
|
Vous y étiez ? Racontez-nous !
Vous ne l'avait pas vécu ? Qu'en pensez-vous ? |
|
|