Jeudi 27 septembre, en soirée. Comme chaque année, le Supp'R'Lens réunit ses responsables de section autour de son président, Francis Richez.
Pour les plus jeunes ou les plus ignares d'entre-nous, le Supp'R'Lens, c'est la plus grande association de supporters en France : fondée en 1926 (!), elle a été choisie par le club en 1991 pour fédérer officiellement l'ensemble des sections de supporters Lensois qui existaient alors. Aujourd'hui, elle rassemble 85 sections et compte pas moins de 8 000 adhérents... Elle est le symbole de ce qui a toujours fait la force de Lens au gré des saisons et des résultats : son public nombreux, coloré, bruyant, convivial et fidèle.

Comme chaque année, il est prévu au cours de cette assemblée générale de réaliser un bilan auto-satisfait de la saison écoulée, quelques mots affables sur les actions futures, une gentille intervention de Gervais Martel, et puis surtout, enfin, l'inévitable mais très attendu pot de l'amitié.

Oui, mais cette année, la rengaine ronronnante n'aura pas lieu.

Gervais Martel entre dans la salle, comme prévu. Il est chaleureusement applaudi. Pourtant, il a la tête des mauvais jours. Il va s'exprimer rapidement, mais très clairement. Et tape à la fois du poing sur la table et du pied dans la fourmilière.

" J'ai su faire ma mue, leur dira-t-il en substance, j'ai fait également évoluer le club, bref le RCL et moi-même avons su nous remettre en question. Pas vous. ". Et de continuer, devant un auditoire assommé : " Vous n'êtes plus dynamiques, vous vivez sur des acquis et une réputation ".
Et de conclure, avant de quitter la salle, avec cette terrible sentence : " Les supporters de Lens aujourd'hui ne se reconnaissent plus dans le Supp'R'Lens ".

Serge Doré, également présent, en rajouta une couche, en réclamant une prise de conscience par ses membres des insuffisances actuelles du Supp'R'Lens, tant dans la stagnation des adhésions que dans l'animation du stade.

Un discours on ne peut plus clair de la part de la direction du Racing : le Supp'R'Lens vivote sur sa réputation, n'anime plus Bollaert, et n'est plus représentatif des supporters Lensois. Difficile d'imaginer constat plus accablant...
Et le fait que seul le site officiel ait relayé l'information démontre s'il en était encore besoin qu'il y a une volonté manifeste du Club de secouer le beau cocotier assoupi.

Pour la première fois dans l'histoire du club, ceux qui s'auto-proclament aveuglément " Meilleurs Supporters de France " se voient ouvertement et fermement critiqués. Et pas par n'importe qui: par le Président Martel himself ! C'est dire si le mal est profond.

Entendons-nous bien, il n'est pas question de tout remettre en cause, et surtout pas d'oublier tout ce que ces formidables supporters ont su construire au fil du temps. Tous les honneurs d'un Bollaert faisant des envieux dans toute la France leur appartiennent. Il n'est bien entendu pas non plus question d'envoyer à la retraite les vieux grognards des Secondes. Après tout, ils ont bien mérité du drapeau Sang et Or.

En revanche, il n'est pas permis de continuer à vivre sur une réputation qui n'a plus lieu d'être aujourd'hui. Ce n'est pas parce que l'on a été bon un temps qu'on l'est pour toujours. Ce n'est pas parce que l'on est dans le Kop que l'on est un supporter actif. Ce n'est pas parce qu'on s'habille en sang et or de pieds en cape que l'on est irréprochable sur le plan de l'ambiance. Ce n'est pas parce qu'un trompettiste se lance seul dans des rengaines inadaptées à ce qui se passe sur le terrain qu'on met la pression sur l'adversaire et qu'on transcende les nôtres. Et ce n'est pas parce que Martel décide à l'intersaison d'un retour aux valeurs avec son trio Bergues-Muller-Wallemme que le Kop va retrouver mécaniquement comme par magie l'enthousiasme de ses 20 ans...

A travers ce coup de gueule, Gervais Martel a fait d'une pierre deux coups : non seulement il remet en cause la crédibilité du Supp'R'Lens, mais il reconnaît en plus implicitement et en termes à peine voilés la légitimité des groupes plus jeunes et plus dynamiques, systématiquement snobés par ces sections "officielles" qui n'aiment pas être bousculées dans leurs habitudes. Et c'est une sacrée première là encore, puisque le Club avait toujours eu tendance jusqu'à présent à montrer du doigt les groupes dits " Ultra " plutôt que de citer leurs actions en exemple...

Mais voilà : Gervais Martel est suffisamment observateur du haut de sa nouvelle place en Lepagnot pour remarquer que le cœur de l'ambiance à Bollaert s'est déplacé sur sa droite, chez les Tigers. Et contrairement aux idées reçues émanant de supporters endormis et transis de jalousie, ils ont su eux reprendre le flambeau abandonné de l'ambiance " à l'ancienne " : dynamisme, créativité, ferveur, fidélité… et humour. D'ailleurs, si les supporters de Lens sont de nouveau redevenus impressionnants à l'extérieur depuis deux saisons, les Tigers en sont aussi en très grande partie responsables. C'est aussi le cas d'autres groupes moins importants mais également très vivants : North Devils, Blood and Gold et KSO pour ne citer que les principaux.

L'avenir de l'ambiance à Bollaert n'est manifestement plus dans le Supp'R Lens, du moins dans sa (petite) forme actuelle. Il est en revanche aujourd'hui clairement entre les mains de groupes jeunes et vivants, mais indépendants. Et ça, c'est un autre problème pour Gervais Martel, qui aime particulièrement tout contrôler dans son jardin de Bollaert.
Dans le sillage présidentiel, nous amorçons donc mine de rien un sacré virage, avec au moins trois grandes questions qui se posent :